samedi 22 octobre 2011

8. Le buron vu du Caucase


Le buron n’a pas que du bon ! En particulier pour préparer un voyage… C’est ce que je me dis et redis en cette dernière semaine en Géorgie. Car, coincé entre mon peu d’envie de délaisser La Zutterie (pour m’y pousser, il faut l’urgence de quelques courses ou surtout la perspective de retrouvailles lydylliques) et mon accès difficile et trop bref à l’internet, je n’ai guère vérifié, négocié ni préparé cette première virée de reconnaissance en Caucase.

C’est ainsi qu’hier matin je me retrouvais avec la perspective d’être enfermé trois jours (vendredi, samedi et dimanche) tout seul à l’hôtel à Tbilissi avant de reprendre l’avion dans la nuit de dimanche à lundi ! Enfin, si vendredi était férié j’avais quand même une réunion l’après-midi et un dîner sur paysage urbain au soir. Et puis, ce n’est que samedi en matinée que disparaîtrait mon « japonais » (non, ce n’est pas un jeu de mot facile, c’est la façon dont j’ai pu me souvenir rapidement du prénom de mon interlocuteur ici : il est hollandais et francophone, la seule personne avec qui j’aie pu parler longuement pendant ces semaines et partager des moments sympathiques, mais il s’appelle Jaap… drôle d’idée, non ?) Mais qu’il était dur de me motiver au réveil du vendredi !

Soudain survint l’illumination… Si j’ai l’habitude de circuler dans le monde sans bouger de mon buron, errant librement de souvenances en amitiés, je peux aussi procéder à l’inverse : errer du côté de La Zutterie sans bouger du coin du monde où je me trouve ponctuellement. C’est ce que j’ai fait.



Je me suis branché en Google Earth et j’ai dérivé pendant quelques heures. J’ai d’abord cherché Valcivières et l’ai trouvé… de suite. Puis j’ai situé et regardé le buron des Fayes tel qu’il était en janvier 2004, quelques mois avant que je ne l’achète. Alors je suis parti en balade, quêtant le Plateau des Egaux, Pégrols, les hauteurs de Monthallier, le toit à présent défoncé du buron que je contemple là-haut depuis chez moi.

Je me suis retrouvé en rando avec ma crapahuteuse sur les sentiers que nous avons déjà partagés, sur ceux qu’elle découvre sans moi et me raconte pour me motiver à sortir de mes bois, sur ceux que nous rêvons d’entreprendre quelque jour.



Fatigué par tous ces parcours, je suis revenu à mes propres visiteurs. J’ai tracé pour eux les chemins qui du Perrier conduisent à La Zutterie. J’ai situé le cyberburon qui, en témoin indispensable, les aide à comprendre la vie d’autrefois dans ces contrées. Je me suis émerveillé devant l’aura de l’énorme fayard tout proche que j’aime leur montrer quand la voie est libre.
Que c’est étrange ! Il a fallu une matinée en Géorgie pour que j’apprenne à mieux connaître les paysages qui m’entourent en Auvergne. C’est donc bien vrai : l’internet a du bon ! Mais sans exagérer : c’est en marchant qu’en ce samedi je me suis enfin lancé à la découverte de cette ville. Oui, c’est sûr, j’en suis rentré avec une ampoule au pied, ce qui ne me serait pas arrivé avec Google Earth… Mais le plaisir n’est pas le même non plus.

Le buron aussi a du bon. La preuve ? Il a fallu que j’y revienne pour être enfin capable d’y terminer ce petit billet. Les énergies que j’y ai retrouvées, alors que je ne suis ici que depuis hier, m’ont déjà dopé !

Tbilissi, le samedi 15 octobre, et La Zutterie, le vendredi 21 octobre 2011

dimanche 2 octobre 2011

7. De buron en Caucase


Depuis huit jours elles sont fermées les portes du buron. La mort dans l’âme j’ai procédé aux vidanges et autres mesures d’avant l’absence. La mort dans l’âme car il me fallait bien le quitter. Mais le cœur gai à l’idée de ce que j’allais découvrir : le Caucase.

C’est la première fois depuis un an que je sors de France. Installé de façon permanente aux Fayes depuis le solstice d’hiver, je rêvais d’y vivre un cycle complet, celui des quatre saisons. Il me manquera donc l’automne. Internet me permet de suivre le jour à jour du climat et la nostalgie ruisselle lorsque je vois l’accumulation des belles journées !

Retour à la syphilisation donc, comme disaient certains amis péruviens ! Les deux jours passés en Arménie ont été un choc : sans sortir de la capitale et logé au… Marriott pour cause d’hôtels remplis puisque l’on fêtait les vingt ans de la nouvelle république ; le contraste des styles et des rythmes a été dur ; mais finalement vivable car, quant aux rythmes, rien à voir avec l’agitation d’Europe occidentale.

Mais ça fait tout drôle d’essayer d’avoir des horaires, un programme ; de ne pas boire le premier café en pleine nature ; de se laver tous les jours ; de (faire semblant de) se préoccuper des habits à mettre ; de parler toute la journée au lieu d’écouter les oiseaux ; de devoir jouer à l’expert après tous ces mois où je ne fus qu’apprenti…
Jeudi, ce fut le voyage terrestre entre Erevan et Tbilissi en Géorgie. Le paysage assez aride de l’automne me rappelait les Andes et je ne me sentais point trop dépaysé. Vendredi et samedi, nous étions en visite de terrain, vers Kazbeghi, donc à quelques kilomètres de la frontière russe. Installés à 1700 mètres d’altitude. Le relief montagneux était celui des Andes, la végétation de bouleaux et sorbiers me rappelait les communaux au-dessus du buron ; je n’étais pas non plus dépaysé.

Les Andes, le buron… j’espère que peu à peu le Caucase va s’incorporer dans mon univers montagneux. La question des langues ne s’y prête guère. Je me sens autiste puisqu’aucune des miennes ne me sert ici ; un peu comme je l’étais à Trinidad et Tobago il y a quatre ans. Mais avec une grande différence : en dehors de la langue, tout me parle ici : les paysages, les gens, le type de défis à relever ; tout cela me donne beaucoup pour entrer au partage.

D’ailleurs, s’agissant de zones naturelles protégées, je me sens plus fort qu’autrefois puisqu’à présent moi-même j’habite en zone protégée : le Parc Naturel Régional du Livradois-Forez…



Entre le 4x4 et la cravate,
quand on ne choisit pas,
ça finit mal!
Et puis, je vais vous avouer (j’avoue beaucoup depuis que j’ai ma fliquette…), en ce dimanche de repos j’ai trouvé un autre prétexte aux rapprochements : je me suis acheté du vin géorgien et en ce moment je goûte la première bouteille de blanc, le rouge sera pour ce soir ! Il faut bien que je connaisse : on m’a expliqué hier qu’historiquement le vin est originaire de Géorgie ; mon devoir est de retrouver les antécédents qui agrémentent ma vie au buron, les savoirs anciens qui ont donné lieu aux joies de notre vie d’aujourd’hui, les liens entre différentes époques et géographies. Je bosse !

 
Tbilissi, le dimanche 2 octobre 2011