Demain je fêterai le deuxième anniversaire de mon
installation permanente au buron. Premier constat : contrairement à une
certaine hantise initiale sur ma capacité à tenir le coup (j’avais beau en
rêver, c’était dur de se décider) et aux angoisses horrifiées de bien des
proches et amis, je suis pleinement heureux de mon aventure, je prends vraiment
mon pied !
Bien sûr, hiberner dans ces conditions présente un
certain nombre de défis. Avec le temps déjà passé j’arrive à mieux les cerner. Non,
ce n’est pas le froid. Mon entraînement et mes goûts m’y avaient préparé. Mon
équipement et mes approvisionnements s’améliorent peu à peu. Il n’y a plus
guère de vent, de courants froids qui circulent. La température intérieure
s’est élevée quelque peu et à présent c’est par choix que je chauffe juste le
minimum.
Non, ce n’est pas la neige. Je la connaissais à peine
mais c’est rapidement que nous apprenons à vivre ensemble. Je savoure autant
les tâches quotidiennes de faire la trace ou de dégager les panneaux solaires
ou quelque fenêtre que les lumières, les formes et les spectacles virevoltants
qu’elle m’offre.
Un des deux défis qui se posent vraiment c’est celui de
la santé. J’ai la chance que la mienne soit de fer. Mon seul incident depuis
mon installation est une crève intervenue au début de cet automne. Je
fonctionne très bien avec ma prévention à base de produits naturels. Mais, pour
l’hibernation, il y a quand même une exigence majeure : la marche à pied
puisqu'il n’y a plus d’accès en voiture. Je surveille mes hanches et mes
chevilles. Pour l’instant ça tient !
En fait le défi majeur c’est… la technologie ! Car
là c’est grave ! Les diverses améliorations de la vie moderne requièrent
un minimum d’habiletés qui me fuient désespérément. C’est ainsi que tous ces
artefacts supposés rendre le quotidien lus agréable ont dans mon chez moi le
virus de la panne, soit parce que j’ai déconné soit parce qu'ils ont besoin de
quelques soins qui me dépassent.
Le solaire ? J’ai réussi à bousiller mon
convertisseur à 220 volts et mes deux batteries ; je n’ai donc que peu
d’heures de lumière et je ne peux plus recharger téléphone et ordi. J’ai
renoncé depuis l’hiver dernier à faire marcher mon chauffe-eau à gaz. Après un
dernier sursaut de quatre mois, mon groupe électrogène chinois vient de
m’abandonner la semaine passée Je n’ai pas su redémarrer le petit frigo qui
m’a accompagné deux étés… Et je ne veux plus réquisitionner les amis bricoleurs
de passage : ils finiraient par craindre de venir me voir.
Alors ? Pour le groupe et les batteries solaires, je
suis en train d’en racheter. Pour le reste ? Eh bien, il suffit de
réapprendre à vivre sans. Passant par ici cet été, Damien le guide expliquait à
son groupe ma permanence qu’il qualifiait de « spartiate ». Ce qui
n’est pas le cas puisque je fais
bombance d’émois et même souvent de chère et de breuvage. En moi-même
j’avais pensé que « frugal » serait plus exact. A présent que mon
voisin Jean-Baptiste m’a prêté une lampe-tempête et m’a appris à l’utiliser, je
m’incline vers l’adjectif « rudimentaire » ; il existe des
technologies rudimentaires qui peuvent m’être utiles, car je suis…
technologiquement très rudimentaire !
Las Fayas, le jedi 20 décembre 2012