La première semaine de mars m’offrit un chatoiement
d’énergies, celles que l’on oublie en hivernage. Je commençais à fatiguer de
mes lectures et des rythmes lents d’un temps en retrait. Et voilà que la neige
fondait. Mieux encore le chant des oiseaux avait changé, il annonçait le
printemps, j’avais pu me laisser ravir par deux vols nuptiaux dans le ciel. Les
envies bondissaient. J’avançais gaillardement dans la liste des poubelles à
descendre et des courses lourdes à remonter dès que Caucase, la brouette magique,
pourrait passer.
Je m’étais décidé pour le lundi 11. Mais voilà que
j’étais trop frustré de mes activités physiques en extérieur et j’ai pris
prétexte d’une urgence de lune nouvelle pour me lancer à abattre des arbres
afin de mieux dégager la voie de bas de pré. Demain !
Mais le lendemain le climat était radicalement retourné à
l’hiver et, puisque lune nouvelle, ce ne serait pas que ponctuel mais tout un
cycle ! J’avoue que j’ai déprimé. La longueur hivernale n’avait plus ses
largesses d’ermitage mais engendrait plutôt une langueur étriquée. Il a fallu
deux jours, et le retour en force de la neige, pour m’en remettre. Oui, le
retour de la neige car elle offre ses vues et ses tâches. Par exemple :
pour « voir » il faut creuser en face de portes et fenêtres et c’est
là une tâche assez marrante…
L’absence de nouvelles de mon prochain voyage au Pérou
n’était pas non plus pour me remonter le moral car tout mon programme de
printemps dépendait autant du climat que de cette éventuelle mission. Mais que
la montagne était belle devant ma porte !
Et puis j’avais l’occasion de consacrer trois ou quatre
heures par jour à me préparer à un petit boulot en lien avec le Maroc. Eh oui,
je me suis fait avoir : le thème et la méthode m’ont interpellé et je vais
essayer de jouer le jeu en essayant de ne pas trop tutoyer mes limites.
C‘est ainsi que je suis resté trois semaines sans
descendre en ville, même pas au hameau du Perrier. L’occasion de liquider tant
de provisions faites à l’automne et de vérifier ma gestion des stocks. Or le
vide ne se ressentait que pour les légumes frais et les apéros, ainsi que
l’essence pour le groupe. Pour les premiers, il n’y a pas le choix : il
faudrait descendre. Pour les seconds, qu’ils sont lourds à porter !
Je me suis donc juré d’être plus prévoyant l’année
prochaine. Mais il ne s’agit pas que de tirer des leçons pour l’avenir : il
faut être créatif. J’ai donc partiellement résolu les deux premiers déficits en
instaurant une nouvelle sorte d’apéro, le Bloody Buron. A la base c’est le Bloody
Mary sauf que l’on fait… avec ce que l’on a sous la main. Le premier conjuguait
velouté de tomate, tabasco, sel, poivre et whisky. Mais je me suis dit que je
pourrais essayer d’autres veloutés…
Et voilà comment, le jeudi 21, jour du printemps, j’ai
émergé pour aller à Ambert faire quelques courses essentielles au marché et
d’autres très bloodyesques, du style vrai jus de tomate, vodka, sel de céleri,
sauce worcester… Dans l’urgence, pas besoin d’autres légumes, un Bloody Buron
ça m’offre déjà de la tomate, du céleri et du piment ! Si j’ajoute le jus
d’orange au matin, le jus de raisin du vin et la prune du Philippe au soir,
j’ai bien plus que les cinq et je suis dans la morne norme.
Le pied ! D’ailleurs la fête fut complète. Profitant
de la présence du Christophe, mon guide ès ambertises, j’ai même découvert
cette « cantine » bimensuelle dont j’entendais parler depuis plus de
dix ans. Quelle bombance ! Et plein de légumes. A présent le printemps
arrive, j’espère que les pissenlits seront à la hauteur.
Les Fayes, le dimanche 24 mars 2013