mardi 30 avril 2013

Le printemps et l’ermite vont décoller


Pour commencer j’ai vraiment envie de partager cette photo de ce que j’ose appeler « la dernière neige », celle qui est tombée toute la journée d’hier samedi et que j’ai voulu enregistrer ce matin, lors du premier rayon de soleil. Bien sûr, on parle beaucoup en ce moment, ici, de « lune rousse » et de « saints de glace ». Le coup de froid de cette fin de semaine, après quelques belles journées printanières, est venu ramener mes enthousiasmes à la raison. Mais c’est parti, c’est l’envol du printemps.
Alors je l’ai vraiment prise comme un beau cadeau cette ultime chute de neige, à manière de souvenir pour mieux savourer les chaleurs dont nous rêvons tous, en rappel d’un hiver qui m’a fait savoir que j’ai encore beaucoup à apprendre, à comprendre et à aménager pour mieux vivre en Fayes.
Il n’y a pas que le printemps qui décolle. Moi aussi, très bientôt. C’est le Pérou qui m’attend, en juin. Hier j’ai reçu et approuvé le plan des vols. Bien sûr, ce n’est que dans cinq semaines mais déjà mon être et mes délires sont tournés vers les retrouvailles. Avec les amis, les paysages, les affects, la gastronomie, les gens en général. Avec le travail également, mais tout cela a toujours été tellement mélangé durant ma vie entière de voyageur que je ne sais plus guère les différences.
Le hic, car il y a évidemment un hic, c’est que je vais m’absenter du buron pendant un bon tronçon de ces peu de mois de l’année où il est possible de faire des travaux extérieurs sur mon terrain et ses alentours, pour recevoir les amis que mes hivers rebutent. Surtout que le Pérou n’est pas seul, le Maroc est également sur les rangs pour un éventuel petit séjour d’été.
Au début, l’idée de ces partances m’était difficilement supportable : il y a tant à faire ; le temps réduit augmente la pression ; les énergies s’épuisent lors des grands parcours et manquent donc au retour… A présent l’envie a pris le dessus et l’angoisse s’amenuise. J’ai opté pour savourer mon étrange privilège de sédentaire nomade qui peut s’ermiter en longue durée et s’envoler vers de courts et intenses périples au milieu des autres, suivant les priorités, les opportunités, sans trop de chaînes ni de besoins.
Tout est dans la tête. Enfin, dans la capacité de la mienne à tenir le choc au lieu de se surmener et de s’éteindre. Il faut que je la prépare. Car je me dis que l’idéal ce n’est pas de tout arrêter mais de pouvoir n’accepter que les décollages qui me passionnent. Eh oui, elle me passionne cette mission en Amazonie péruvienne où je vais retrouver des chantiers que j’ai en partie délaissés depuis près de quarante ans, avec les populations indigènes et métisses et leurs arts de vivre avec la forêt. Et cela me passionne d’aider les migrants marocains en France à cultiver les appris de leurs expériences en appui à leur terre d’origine.
Le pied, en fait, ce serait de n’avoir à voyager qu’en hiver ! De manière à laisser du temps au printemps au lieu de lui faire pression, qu’il puisse s’envoler sans hâte s’il le désire, qu’il puisse s’amuser à nous régaler d’une belle dernière neige en fin avril, comme hier quoi. Oh merde ça recommence : il neige !
Les Fayes, le dimanche 28 avril 2013