dimanche 6 avril 2014

Le facteur du Livradois-Forez est passé par ici

Le facteur, cette fois-ci, c’est Jean-Marc Pineau, un marcheur-conteur qui a entrepris de visiter, en cinquante-et-un jours et à pied, toutes les communes qui forment le Parc Naturel Régional du Livradois-Forez auquel j’appartiens (http://www.parc-livradois-forez.org/Mon-voyage-en-Livradois-Forez.html). Il était à Valcivières ce mardi premier du mois et, puisque son propos est de rencontrer les habitants et de partager avec eux une veillée culturelle, je me suis retrouvé avec « un programme » : participer à la soirée prévue au col des Supeyres, dans le chalet des Gentianes.
Facteur ? Jean-Marc n’a guère eu l’air enchanté de mon interprétation sur son rôle dans cette affaire. Lui préfère s’inscrire dans la lignée des « écrivains-voyageurs ». Et j’avoue que j’avais un peu forcé. J’avoue. J’étais parti dans mes rêves et mes délires : son trajet zigzaguant pour n’oublier personne me faisait penser à ces « lettrés-voyageurs » d’antan, les facteurs à pied qui, chaque jour, avec les courriers, les mandats et les nouvelles dans leurs sacoches et dans leurs têtes, parcouraient tout le territoire à la recherche des présents.
Pourtant, en moi, c’était un compliment que je lui faisais : Hommage à celui qui fait ce qui doit être fait ! Hommage au précurseur ! Car c’est tellement frustrant de se dire : j’appartiens à cette commune de Valcivières et je n’en connais pas le dixième des villages ; j’appartiens au Livradois-Forez et je n’en connais pas le dixième des communes…
Bien sûr, je pourrais prendre ma voiture (actuellement, à pied, c’est dur ; je ne suis plus dans la marche mais dans la démarche) et faire systématiquement le tour de ces deux territoires, la commune et le Parc ; mais pour moi, connaître c’est rencontrer les gens, les écouter, les voir dans leur contexte, échanger. Faire le touriste et contempler des paysages, faire l’enquêteur et poser des questions à des élus des fonctionnaires, des locaux, ce n’est pas connaître !
C’est ainsi que je voyais Jean-Marc en facteur de rencontres et d´échanges, en catalyseur des paroles et des vécus, en tisseur de lien, en précurseur d’activités à venir, en pionnier d’une autre circulation des gens, des idées, des produits, des rêves au sein de ces territoires.
Bon, c’est vrai, je suis déformé. Quarante de travail sur le développement rural m’ont amené à croire que cette circulation-là est une des premières bases pour pouvoir construire un « nous » qui garantisse le sens et la durée de tout ce que l’on veut bien entreprendre ensemble. Et j’en suis convaincu ! Nos meilleurs résultats en Amérique Latine sont venus en cultivant cette circulation, cette connaissance mutuelle. Car si la méfiance est souvent le point de départ de toutes réactions, dans la rencontre sur place naît la confiance, surgissent les complémentarités, les envies, les actions.
Mardi soir, je suis rentré tout stimulé à mon buron. Trop stimulé. Il m’a fallu attendre deux heures du matin pour que s’écoulent tous mes délires et que je puisse me coucher ! J’imaginais chaque village (ou groupe de villages) de Valcivières recevant tour à tour les habitants de la commune. Je rêvais de nouveaux « tours du Livradois-Forez » organisés chaque année par des habitants-marcheurs se relayant sur les chemins pour cultiver le lien. Je délirais de changeants jumelages à l’année entre communes du Parc pour se connaitre et se comprendre. Je divaguais sur les administrations apprenant qu’elles ont là, à l’écoute des gens et de leurs échanges entre eux, de bien meilleures pistes que leurs « consultations » et soutenant le mouvement, instaurant un prix aux meilleurs rendus de ces jumelages, en images, sons, textes ou autres, afin de s’en alimenter.
Je vous l’ai dit : je délirais. Qu’est-ce que c’était bon… et usant ! Merci Jean-Marc.

Las Fayas (Le Perrier), le samedi 5 avril 2014